Avant de vous montrer les photos de ce village aussi beau que chaotique, voici un peu d'Histoire pour ceux que ça intéresse...
1900
En 1913, l'annuaire de la Meuse nous donne les indications suivantes: 422 habitants:
Aubergistes: MM. Body, Hubert, Simon
Boulanger-pâtissier: M. Hubert
Charpentier, charron, menuisier: M. Simon
Cordonnier: M. Legay L.
Couturières-repasseuses: Mme Vve Legay A., Legay A., Mlles Lamorlette, M. Gorgen L.
Epiciers-merciers: MM. Body, Hubert
Entrepreneur de travaux publiques: M. Simon N.
Fondeur-étameur: M. Mangin
Maçons: MM. Ligony C., Legay Al., Ligony A., Pédotti, Tardivat
Maréchal: M. Lahaye T.
Dépôt de pain: M. Body
Surveillant du génie: M. Tardivat
Tabacs: M. Body
Agriculteurs propriétaires: MM. Body J-B., Lamorlette-Louis J-M., Legay F-J., Poncet-Limouzin N., Poncet-Olivier F, Simon R.
Jusqu'à la grande guerre, Fleury-Devant-Douaumont mena une existence paisible et laborieuse. De temps immémorial, les travaux et les jours se déroulaient au rythme des saisons, faisant alterner semailles et moissons, bûcheronnage et vendange, années de disette et de prospérité.
Les invasions de 1792, 1814 et 1870 évitent ces hauteurs boisées où rodent encore des loups... Le temps qui semblait s'être arrêté à Fleury-Devant-Douaumont accélère soudain son rythme après 1870. Le chemin de fer à voie étroite Verdun-Douaumont passe à Fleury-Devant-Douaumont. Puis la construction de la Redoute à Souville, des forts de Tavannes, Froideterre, des ouvrages intermédiaires, amène dans les rue du village une foule de travailleurs et de soldats.
En août 1914, ses 400 habitants voient défiler les régiments de Verdun qui partent en couverture dans la plaine de la Woëvre. En septembre, la bataille de la Marne fixe le front à quelques kilomètres au Nord et au Nord-Est du village.En 1915, intacte et débordant de troupes, il fait partie de la région fortifiée de Verdun.
1916
Le 21 février 1916, Fleury-Devant-Douaumont est réveillé par le bombardement préparatoire à l'assaut allemand. Il neige. L'horizon est en feu. Les nouvelles sont rares et contradictoires. L'ordre est donné d'évacuer le village. Les habitants s'entassent dans les charrettes, emmènent le bétail et descendent vers Bras-sur-Meuse et Verdun croisant les renforts qui se hâtent devant la ligne de feu. Le 24 février, la chute du Fort de Douaumont met Fleury-Devant-Douaumont sous les vues allemandes. Les bombardements crèvent les toitures pendant que les tranchées et les abris transforment les caves en îlots de résistance. Et la destruction de Fleury-Devant-Douaumont ne s'arrêta plus. En mai, il n'est déjà plus qu'un tracé de ruines fumantes. Le 7 juin, la perte du Fort de Vaux le met en première ligne.
Entre Froideterre et Souville, à la tête des ravins de la Poudrière et des Vignes, il devient une des clés de la bataille. Emporter cette position, c'est une chance pour les allemands de percer. La tenir, c'est vérouiller la porte qui ouvre sur Verdun.
Ainsi commence l'agonie de Fleury-Devant-Douaumont dont le drame se noue pendant les semaines de juin à aoùut 1916 quand l'assaillant lance ses dernières et furieuses offensives sur le front de Froideterre-Souville. Au cours de la bataille, Fleury-Devant-Douaumont changera 16 fois de mains. Le 23 juin, les meilleures troupes du Kronprinz, Bavarois et Alpenkorps, précédées de milliers d'obus dont à gaz, déferlent sur le village.
Pour retarder cette avance impitoyable, le 121ème Bataillon de Chasseurs à pied se sacrifie; à la nuit, il est anéanti; mais la 260ème brigade peut prendre la relève. Se succèdent alors de furieux assauts sur ces quelques hectares. Pris le 23 juin, Fleury-Devant-Douaumont est repris le 24; reperdu aussitôt, réoccupé le lendemain, et reperdu de nouveau. Le 27, un bataillon du 241ème Régiment d'Infanterie s'accroche à la lisière Sud et en interdit le débouché. Le 11 juillet, l'assaillant tente un suprême effort, et dans la poussière âcre des exlosions, il attaque, précédé de lance-flammes et réussit à s'emparer de la Poudrière défendue par deux bataillons de la 255ème brigade commandée par le colonel Coquelin de Lisle.
Quelques éléments parviennent même jusqu'au centre D dit le "Morpion" par les allemands en raison de l'aspect qu'il présentait sur leurs photos aériennes puis se replient avec quelques prisonniers.
Cet ouvrage terrassé encore visible sur le terrain marque l'extrême avance de l'ennemi en direction de Verdun.
La Poudrière appelée par les allemands "M. Raum" (= abri à munitions) édifiée avant la guerre en même temps que le camp retranché de Verdun, devait servir de dépôt de munitions avancé d'artillerie, pour permettre d'alimenter plus rapidement les batteries de forteresse ou de campagne entre Douaumont, Thiaumont, Froideterre et Fleury-Devant-Douaumont, ainsi qu'un certain nombre de dépôts de munitions secondaires reliées à elle par voie de 60. Abri sous roc situé à environ 10 mètres sous terre à deux entrées.
A l'intérieur, dans les couloirs, reste la trace de voies de 60 cm et plaques tournantes qui assuraient jusqu'au début de la bataille, l'acheminement des munitions à pied d'oeuvre. Dans le fond, une grande salle servait de poste de secours. A l'entrée, le long de la piste, (sentier de découverte de la Poudrière de Fleury-Devant-Douaumont), restent les vestiges de l'ancien poste de garde, où le Colonel Coquelin de Lisle a été tué ce 11 juillet 1916.
A 200 mètres au Sud-Sud Ouest, se trouve la tombe du Caporal mitrailleur Rachel, tué le même jour.
Du 13 juillet au 5 août, de violents combats continuent autour des ruines du village englouties dans le chaos du champ de bataille. Les 17 et 18 août, le Régiment d'Infanterie Coloniale du Maroc qui se bat depuis 10 jours dans les ruines, s'élancent à l'assaut en chantant la Marseillaise, et reprend définitivement le village. En octobre et novembre, la position de Fleury-Devant-Douaumont sera la base de départ des offensives qui reprennent Douaumont et Vaux.
Après guerre
En 1918, Fleury-Devant-Douaumont est un village "Mort pour la France". Mais comme huit autres du Front de Verdun, la Nation reconnaissante lui a conservé sa personnalité juridique. Fleury-Devant-Douaumont a un maire, Fleury-Devant-Douaumont a ses fidèles.
Fleury-Devant-Douaumont revit. L'Association Nationale du Souvenir de la Bataille de Verdun et l'Office Nationale des Forêts ont dégagé le tracé de ses rues, l'emplacement de ses maisons. Le visiteur peut retrouver la fontaine du village où jaillissaient les rires et eaux claires, les fermes, la forge, l'école, l'église...
Depuis 1979, Notre Dame de l'Europe scellée sur la façade de la chapelle votive, appelle à la fraternité et à la paix, tous les hommes qui viennent en ce lieu s'incliner devant le sacrifice et la misère des deux adversaires de l'époque, aujourd'hui réconciliés. Construit sur l'emplacement de la gare de Fleury-Devant-Douaumont, le Mémorial est consacré à la bataille de Verdun: photos, fresques, documents, matériels divers, armes, équipements, uniformes, avions français et allemands racontent et retracent cette tragique bataille que le visiteur peut revivre en saisissant ce que furent les souffrances et les misères des hommes qui y participèrent.
Témoignage du sous-lieutenant Hermann Thimmermann de la garde Bavaroise:
"En l'espace de quelques secondes, j'aperçois au coin Sud-Est des ruines de Fleury, encore occupées par les français, de gigantesques nuages de fumées noire et les jets de lance-flammes. Je vois aussitôt sortir des groupes fantastiques, des tas de français hurlant, vacillant, brûlant sur pied. Ils tirent en aveugle autour d'eux. Certains courrent comme des torches vivantes, puis s'abattent."
Témoignage du Lieutenant Von Lossow
"Les aviateurs français surgissent de la fumée, rapides comme l'éclair, ils tirent sur nous à la mitrailleuse, ils foncent si près du sol qu'on a l'impression qu'ils vont enlever un de nous."
Témoignage de l'abbé Thellier de Poncheville:
"D'abord par rangées entières, les maisons ont été consommées par la mitraille et par l'incendie, les toits effondrés, les murs troués, calcinés, écroulés dans la rue, dans le jardin, avec leurs charpentes tordues et toute leur grâce intime profanée. Une forte odeur de charnier s'en dégage, et non loin des vieux morts du cimetière civil boulversé, aux sépultures ouvertes, gisent des morts récents en bleu horizon ou feldgrau (...) La furie des combats a tout dispersé, les obus se sont abattus sur ces ruines baignées du sang des combattants, truffées de cadavres rongés par les rats en putréfaction avancée, des ferrailles de guerre, fusils rouillés, pelles cassées, fil de fer barbelé (...) L'emplacement du village de Fleury se reconnaît à la couleur de ses pierres répandues comme des tas d'écume blanche sans cesse éparpillée."
Ci-dessus:
Notre Dame de l'Europe appelant à la Paix et à la Fraternité
Ci dessous:
Au sol, on voit des bosses partout qui nous rappellent qu'il y a presque 100 ans, des obus sont tombés sur ce village et l'ont totalement détruit. C'est très impressionnant de voir ça en vrai, car c'est vraiment aussi beau que chaotique !
Ci-dessous:
Un peu partout, on peut voir ce type de bornes qui nous indiquent qu'à l'époque, à cet emplacement, il y avait une maison, un commerce ou une école, depuis disparus sous les bombes et les lance-flammes.
ci-dessus:
80 ème anniversaire de l'Armistice de la Grande Guerre 1914-1918
Le 7 novembre 1998, jour proche du 80 ème anniversaire de l'Armistice de la Grande Guerre 1914-1918, de nombreux Amis de France, d'Allemagne, de Pologne, de Tchéuie et de Bosnie, sont venus dans ce lieu sacré et béni rendre un Hommage solennel et plein de Coeur au Sacrifice des Braves qui sont morts pour que vienne l'Europe. Ils leur ont présenté le Drapeau Itinérant Européen dont le parcours de plus de 30 000 km a rassemblé sur son passage près d'un million d'Européens. Au nom de ces derniers, en témoignage de gratitude, ils ont alors respectueusement mêlé de la terre de leurs propres sols à celle immortalisée de Verdun, encore impregnée du sang de leurs ancêtres. Pour la Mémoire, ils ont planté trois arbres, ceux de la Paix, de la Liberté, et des Droits de l'Homme, ces valeurs fondamentales, éternelles, indispensables à l'Harmonie du Monde, dont le symbole fut Verdun.
ci-dessus:
Ravin des Vignes
Ravin: mouvement de terrain permettant de se rendre d'un point à un autre, en toutes circonstances, sans se perdre, et le plus souvent hors des vues terrestres. De ce fait, cordon ombilical des unités en ligne de feu dans la guerre meurtrière de positions. Lieu où séjournaient les troupes de réserves en période intense de combat.
De part et d'autres de la ligne de feu, dans l'Enfer terrestre de la Bataille de Verdun, les ravins souvent bombardés offrent un paysage de la Mort... Chargés tels des animaux de bât, haletant et sans souffle, ces hommes de relève montantes, ces territoriaux de corvées diverses entament la première étape de leur calvaire en direction de la zone des combats, souvent harcelés par des tirs d'artillerie ennemis dont quelques obus à gaz rendent l'atmosphère irrespirable. Que se passait-il dans leur coeur stressé par la peur, la fatigue, la chaleur ou le froid selon les saisons, la soif, l'odeur des cadavres en putréfaction. L'appel des blessés récents craignant d'être abandonnés à leur triste sort. La souffrance physique se complète d'une épreuve morale lancinante. C'est dans ce désert d'orage d'acier, de folie nocturne, que s'effectuaient de nuit ou par temps très couvert, les déplacements dans tous les ravins des Hauts de Meuse, notamment dans ce ravin des Vignes entré dans l'Histoire l'été 1916.
"Oeuvre des métallurgistes des usines qui fabriquent les matériels, et des ingénieurs qui composent au fond de leur laboratoire, les gaz asphyxiants et autres produits meurtriers (lance-flamme). Ainsi, les forces de la matière essayent non sans succès, d'annihiler celles de la bravoure."
Abbé Thellier de Poncheville, aumônier militaire à Verdun.
Une très belle promenade (gratuite) que je recommande vivement à tous ceux qui passeront par Verdun ou à proximité.